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Le délire dans la psychose

Dès que le sujet aime, il prend le (beau) risque de délirer, puisqu’il place son fantasme dans l’ « objet » aimé, ce morceau de réalité, confondant le « dedans » et le « dehors », ce qui contient les délices et les affres de l’amour. Paul-Laurent Assoun

Le désir de s’évader dans un monde construit est soutenu par le principe du plaisir, de régresser vers ce lieu archaïque qui procure confort, sécurité et sens. D’une manière ou d’une autre, chacun d’entre nous est l’architecte de sa propre existence; nous construisons la réalité brique par briques avec les éléments du réel et sensorielle.

« Le délire est une tentative de guérison. Il est un première temps de restauration après la catastrophe du trou qui a opéré à l’emporte-pièce dans la trame de l’existence »[1] nous dise Franck Chaumon. Ce qui détermine ce trou dans l’existence d’un sujet est la première question qu’on pose. Le thème transposé dans les délires est ce trait unique qui caractérise les expériences cumulatives et les processus de pensée du sujet. Le thème du délire n’est qu’un message de l’inconscient, la voix d’une partie du soi prématurément tronqué.

Les idées délirantes se retrouvent à la fois dans la névrose et la psychose, bien que les deux se différencient clairement dans leur mode de structuration. La conviction sur la vérité des délires surgisse parce que les idées délirantes sont « incapables d’être modifié, le Moi dois s’adapter à elles … Ainsi : «Ce malade aiment leur délire comme ils s’aiment eux-mêmes».[2]

Les troubles mentaux qui se manifestent par le délire et l’hallucination ont un fort caractère non adaptatif conduisant à l’exclusion sociale et à l’abandon du traitement.

Les psychoses n’héritent pas seulement des tendances de la personnalité ; elle en sont le développement, lie à son histoire. De Krafft-Ebbing a Kraepelin

A part de cet héritage génétique de l’affect maternel, l’enfant vienne dans le monde avec un déficit d’adaptation prédéfinie, et mènera la lutte de ses ancêtres pour gagner le combat contre la réalité.

Dans ses écrits, Freud dise que « la névrose résulterait plutôt d’un conflit entre le moi et ça,  mais la psychose, elle, est l’issue analogue d’un trouble du même type dans les relations entre le moi et le monde extérieur » [3]. Elle se met dans les deux cas au service du désir de puissance du ça, qui ne se laisse pas dominé par la réalité.

En névrose le ça cède aux exigences de la réalité par une limitation imposée par le Moi, tandis que dans la psychose, la réalité cède face aux pulsions par la construction d’une nouvelle réalité intangible à celle qui est abandonnée. Donc la névrose et la psychose sont toutes les deux des expressions de la rébellion du ça contre le monde extérieur, de son déplaisir ou, si l’on veut, de l’incapacité du Moi de jouer son rôle de médiateur entre le ça et les demandes du réel.

Dans la situation de rupture entre le ça et la réalité, le Moi n’est pas investi avec aucun rôle, manquant des outils et les informations du ça nécessaires à son développement par le processus d’identification et de gratification à travers la réalité. Pourtant, parce que le sujet ne vit pas seul mais en contact avec d’autres, il y a une influence de la réalité et un échec de soi pour exister parfois par rapport aux autres. Mais cette existence est fausse, un faux self nécessaire à la survie.

 

La mère et l’environnement de la famille – première contact du réel.

  1. Winnicott, dans ses écrits La relation parent-nourrisson dise que «A ses débuts, l’individu ne constitue pas l’unité. L’unité est la structure « individu-environnement » telle que nous percevons de l’extérieur…l’individu est capable de créer peu à peu l’environnement personnel. Si tout va bien, l’environnement créé par l’individu ressemble assez bien à celui qu’on peut percevoir en général et, dans ce cas, le processus du développement atteint un stade qui permet à l’individu de passer de l’état de dépendance à celui d’indépendance »[4]. Les structures psychotiques sont en dehors de ce développement normal ce qui rend impossible de se rapporter à une réalité commune.

Winnicott parle de l’isolement primaire de l’enfant. Par une adaptation active aux besoins de l’enfant, l’environnement lui permet de vivre dans un isolement tranquille qui le détermine faire lui-même un mouvement pour découvrir le monde, sans que le sens du self soit perdu. Par contre, si l’environnement intervient d’une façon envahissement, l’individu est obligé de se modifier comme réaction à cet envahissement et le sens du self peut être perdu. Nous pouvons donc comprendre que l’environnement dans lequel l’enfant vit dans les premiers instants de la vie joue un rôle essentiel dans la formation de la conscience de soi et son désir de faire parte d’un réel commun.

La mère représente le premier contact de l’enfant avec l’environnement, son premier contact avec le monde et lui-même. La mère joue un rôle essentiel dans la formation du sens de la réalité et pour un bon réglage émotionnel. Une mère trop fusionnelle  avec son enfant, ou absente émotionnelle, ne permet pas à l’enfant de refléter correctement son identité ou développer un Moi capable de garder l’équilibre psychique.

 

Le Moi et ses frontières entre dedans et dehors.

Paul Federn, dans ses études indique que « le corps est la première limite, source de satisfaction et d’investissement  libidinal»[5]. A partir des éprouves corporels émergent les représentations et l’investissement des traces mnésiques des expériences corporelles, constituent une composante originelle de la limite entre dedans et le dehors. Il dise que le sentiment du Moi est avant tout corporel parce que le corps est une partie vécu du  Moi, situe entre le Moi et le monde extérieur.

La notion des frontières du Moi est définie par la capacité du Moi de discerner entre le monde intérieur et le monde extérieur. A partir de ses études cliniques, Fredern parle de la dépersonnalisation qui consiste dans “une trouble du Moi sous la forme d’un sentiment d’étrangeté fonde sur le retrait de la libido objectale”. Idem 6, p16   La dépersonnalisation témoigne du fait que les divers sens contribuant a la perception ne sont plus ressentis comme appartenant au Moi, elles sont donc déplacée de leur location topique et des qu’un conflit psychique intervienne entraîne la perte ou le maintien des ces frontières par un désinvestissement sur fond d’impréparation du Moi face a l’attaque pulsionnelle. « Lorsque le Moi est désinvesti … les représentations inconscientes gagnent en réalité dans le sens ou leur qualité devient assimilable à celle de la réalité extérieure » Idem 6, p20. Ainsi, dans le cas de patients psychotiques, les mouvez représentations des le Moi-corps (le monde extérieur) et le Moi mental (le territoire interne) donnent vie aux idées fausses qui conduisent à l’impossibilité de structurer des frontières solides du Moi, de sorte qu’il puisse négocier la relation correcte entre l’intérieur et l’extérieur.

Donc pour Federn, la « psychose n’est pas une défense mais une défaite, une chute des capacités du Moi et de ses frontières » et la schizophrénie relève d’un « investissement narcissique du Moi ayant pour conséquences la création d’une réalité délirante, la régression du Moi, la perte de la pensée abstraite ou encore l’invasion de la pensée par des représentations inconsciente. » Idem 6, p23

 

Mécanisme de construction du délire

Il existe plusieurs mécanismes délirants, 4 principaux : interprétation, intuition, imagination, hallucination.

En Théorie physiologique de l’hallucination, Dr. Prosper Despine parle de la construction de l’hallucination comme une excitation d’un organe sensitive par la voie des nerfs conducteurs, qui fournissent des informations en rapport avec les informations obtenue dans la cadre d’une autre perception préalable. « Une fois que la perception s’est effectuée, il se produit encore un phénomène naturel qui termine la perception. Le moi qui a perçu la sensation rapporte celle-ci à l’organe du sens qui a reçu l’impression extérieure…Cette attribution de la perception a l’organe extérieur du sens, est également un effet naturel de l’activité nerveuse du système sensoriel, et non un résultat de l’habitude »[6] . Partant de cette explication de l’hallucination, nous comprenons que le processus délirant est affecté à la fois par les pulsions et par la signification donné aux premières perceptions pour que le Moi fortifie ses représentations réelles.

Dr. Pierre Janet, dans « de l’Angoisse à l’extase » parle des totalités des croyances sociales acceptables qui définissent le schéma du moi. Les croyances ne nécessitent pas aucun niveau intellectuel ou intelligence et sont la source des expectations.  Il dise que «  Un délire est d’abord une idée fausse, opposée aux idées que la majorité des hommes estime come vrais dans ces circonstances…pour parler d’un véritable délire que cette idée fausse soit affirmée avec conviction par le malade qui n’entrevoit pas le moyen de la contrôler ou de la changer »[7].

Dans sa thèse de doctorat en médecine, J. Lacan, accorde une forte attention au travail du Kraepelin qui met en relief «la tonalité fortement affective» des expériences vitales dans le délire, la concordance du sujet avec les sentiments qu’il a de soi-même.

  1. Ferenczi écrit dans son œuvre Réflexions sur le masochisme que Freud a défini le traumatisme comme une « contenu  pulsionnel, agressive ou sexuelle éprouvée dans la petite enfance puis oubliée, et qui reviendra en force en pensée et en affect ». Il parle d’une action violente qui cause une blessure qui ne peut être assimilée. «  Le trauma psychique échappe à l’esprit, ses effets délétères se poursuivent à l’insu du sujet, s’enkystant tout en provoquant un clivage du moi »

En conclusion de ces théories présentées ci-dessus, nous pouvons comprendre que le mécanisme de construction du délire a une base neurobiologique, une base sociocognitive, une forte charge  affective, et enfin un contenu pulsionnelle aboutissant à un clivage. L’élément commun de toutes ces théories est un Moi faible, avec des frontières flues qui conduise à une perturbation de la pensée et de la perception.

D’un point de vue psychanalytique, le délire est expliqué par le mécanisme paranoïaque comme une projection. Un affect de ce qu’il aurait dû ressentir à l’intérieur est remplacé par une perception externe qui subit des changements.

Le thème du délire

Certains thèmes délirants coïncident avec les articulations du système de la réalité, telles que le langage et la pensée, tels qu’ils ont été appris, ainsi, les représentations symboliques tiennent compte d’un langage commun pour tous. À la source de tous les thèmes délirants, nous trouvons le conflit entre ce qui est et ce qui le psychotique est à travers de multiple degrés et configurations.

Le mouvement d’expansion du Moi dans la réalité objective est une forme de « mégalomanie cosmique » qui incorpore le monde à une liberté et a une toute puissance. Au niveau somatique cette expansion s’exprime par le thème de puissance corporelle, caractérisé par des forces surnaturelles. La projection de cette puissance dans la réalité sociale est vécue par les thèmes de puissance sociale, de richesse, de favorisation ou d’érotomanie ou illusion d’être aimé. Dans la réalité subjective du psychotique, l’expansion du Moi représente le principe même de la liberté et du bien et réel absolus et se manifeste par des thèmes d’inspiration ou de possession.

Le mouvement de la rétractation du Moi, dans la réalité objective se manifeste par la retire du monde; sur le plan somatique c’est le thème hypocondriaque ou l’angoisse d’une certitude de malheur, traduit par des thèmes  de culpabilité, damnation ou de négation des organes qui exprime le refus d’être a moitie chemin du désir et de la crainte de la mort.

Henry EY écrit dans son travail mentionné ci-dessus que ce qui est important pour le délire n’est pas le délire mais le thème délirant parce qu’il est profondément enraciné dans la construction du délire lui-même.

L’altération de la réalité est sous le couvert de fausses croyances, de fables, d’interprétations, d’obsessions et d’idées avec une charge émotionnelle importante.  Le seul élément commun à toutes les études est la projection constante du soi, dialectique du Moi, du désir du Moi qui sont trouvés dans toutes les altérations du délirante.

Il est impossible de parler du délire sans glisser vers la dialectique de la réalité. Cette réalité se conjugue et se construit avec nous-mêmes. Le thème prend la forme d’une représentation symbolique de chacun, une détermination de catégories claires semble donc impossible. Le facteur socioculturel joue un rôle important dans le thème et la manifestation du délire, car il repose sur des croyances personnelles et des symboles sociaux.

Conclusions

Le délire diffère de l’imagination par la conviction de la pensée. Cette croyance provient de la structure du Moi, de sa relation à la réalité et à la pulsion, qui apporte une valeur symbolique aux expériences psychosomatiques.

Selon toutes les théories existantes, la représentation erronée du soi à travers le Moi est due à l’environnement et à l’interaction de l’individu avec l’univers extérieur. Ainsi, les facteurs environnementaux impliqués dans la structuration du Moi peuvent être mesurés et analysés, bien que dans un contexte social basé sur le multiculturalisme, la signification des expériences et les symboles assignés tendent à une incohérence entre les valeurs fondamentales et les exigences sociales.

Les symboles peuvent être cachés à la conscience mais ils émergent à la surface par la parole. La rupture du réel  fait enfermer le psychotique, et en l’absence de l’objet pour voire sa réflexion du soi, il ne communique pas, ne symbolise pas et perds le petit «a» décrit par Lacan.

 

BIBLIOGRAPHIE

Déliré et construction, sous la dir. de Franck Chaumon, ARECS : Ramonville St.- Agne, 2002

De la Psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, Jaques Lacan, Paris, 1932

La mère suffisamment bonne, Donald W. Winnicott, Paris Payot 1996

Névrose et psychose, Sigmund Freud, petite biblio Payrot, Paris 1974

La relation parent-nourrisson, Donald W. Winnicott, Biblioteque Payot, Paris 1989

Réflexions sur le masochisme,  S. Ferenczi

Investissement du Moi et actes manqués, Paul Federn, Edition D’Ithaque, Paris 2017

Pulsions et destins des pulsions in Métapsychologie,  Freud, S., (1915), Paris, Gallimard, 1968

Theorie psysiologique de l’hallucination, Dr Prosper Despine, Paris 1881, p4

De l’Angoisse a l’extase, Dr Pierre Janet, Paris 1926, p334

Lecons du mercredi sur les Delires Chroniques et les psychoses paranoiaques, Henri EY, Perpignian 2006

[1] Déliré et construction, sous la dir. de Franck Chaumon, ARECS : Ramonville Saint- Agne, 2002, p9

[2]  Freud, Manuscrit H, 24 janvier 1895, cité par Franck Chaumon, en  Déliré et construction,   Ramonville Saint- Agne, 2002, p14

[3] Nevrose et psychose, S. Freu, Paris 1974

[4] La relation parent-nourrisson, Donald W. Winnicott, Biblioteque Payot, Paris 1989

[5] Investissement du Moi et actes manques, Paul Federn, Les editions d’Ithaque, Paris 2017

[6] Theorie psysiologique de l’hallucination, Dr Prosper Despine, Paris 1881, p4

[7] De l’Angoisse a l’extase, Dr Pierre Janet, Paris 1926, p334

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